Envoyé diplomatique du Ghawana

Le taxi se gara devant un grand bâtiment, sans nul doute d'importance. Pierre descendit et laissa son son pilote prendre ses affaires. S'approchant de lui, il dit à voix basse :

- Bon, ça doit être là. Attendez-moi ici avec les valises, je sais qu'il fait froid mais il faut d'abord que je m'assure que vous n'allez pas être regardé comme un animal domestique !

- D'accord !

"Quel abruti", pensa Pierre. En réalité, la seule pour laquelle il le plantait là dans le froid avec les valises c'était pour lui apprendre à vivre et pour se venger de l'affront que son pilote lui avait fait à l'aéroport. Pour une fois que ce n'était pas lui qui était considéré comme de la merde !

Il entra dans le bâtiment et se dirigea vers le plan. Lorsqu'il eut repéré le bureau des relations étrangères, il s'y dirigea. Il entra mais il n'y avait personne. S'éclaircissant la gorge, il demanda :

- Oh hé ? Il y a quelqu'un ?

Une petite porte dissimulée dans le décor s'ouvrit alors. Un petit bonhomme haut comme trois pommes habillé d'un costume vert anis sortit alors en courant et se planta devant le diplomate. Avec un accent bizarre il hurla :

"C'est pourquoiiiiii ?"

Le petit bonhomme lui prend alors la main, et le conduit jusqu'à un huissier qui l'introduit. Dans le bureau de la Déléguée aux Affaires Etrangères.

C'est une Szinèta Lödykòva radieuse qui accueillit alors le diplomate. Ce dernier nota la présence d'une photo de Dominic Stross Kagne sur le bureau, car oui Szinèta avait des photos sur son bureau.

Sur le mur derrière elle tronait un portrait de la Chancelière fédérale, accompagné de l'inscription "La lune ne se couche jamais sur Abalecon"

Excellence, je vous souhaite la bienvenue à Abalecon. J'espère que vous avez fait bon voyage ! Comment avez-vous trouvé notre accueil ?

Pierre s'essuya la main sur son panatalon avec un air complètement dégoûté. Il fit un sourire de circonstance, pour éviter déjà de mettre des tensions mais ce sourire disparut rapidement lorsque la femme qu'il avait en face de lui, lui demande comment avait été l'accueil. Il lança un regard sombre sur le nain et lui dit, la voix assurée :

- Je me serais passé d'un certain contact tactile avec votre portier, qui en plus de me briser les tympans a des manières de faire assez spéciales. Je vais mettre ça sur un problème de taille et donc de reconnaissance...

Un nouveau sourire forcé celui-ci qui se transforma en visage fermé et furieux :

- En revanche, je n'ai guère apprécié le ton usé par l'employée de l'aéroport qui non seulement ne comprend rien à ce qu'on lui dit mais en plus a tenté de salir mon costume, en me donnant ce torchon souillé !

Il sortit le visa plein d'encre qu'il avait dans sa poche et le posa sur le bureau. Puis il ajouta, ajustant sa cravate :

- Je suis indulgent, je ne ferais pas part de cet affront à son Impériale Majesté Zanta Ier. Mais j'espère que vous ferez le nécessaire pour que ça ne se reproduise plus.

Il s'assit sur le premier siège venu, posa ses bras sur les accoudoirs et regarda autour de lui, examinant le bureau. Il vit le portrait de Natacha et son coeur se mit à battre un peu plus. quelle idée de mettre des objets érotiques à la vue du public ? Il le désigna du visage et dit, sur un ton beaucoup plus cordial :

- "La lune ne se couche jamais sur Abalecon"... on ne pouvait pas trouver mieux, mais la lune est meilleure quand elle est pleine et bien visible. Je ne m'aventurerais pas trop pour dire que la sienne est unique.

Il passa allègrement la langue sur les lèvres puis il reprit ses esprits :

- Enfin ! Revenons-en aux choses sérieuses. Je me nomme Pierre de Marongie, diplomate de l'Empire de Ghawana, envoyé par l'Empereur Zanta Ier. Hum... et, vous, vous êtes ?

Szinèta Lödykòva, responsable de la diplomatie et accessoirement responsable de tous les glands qui vous ont accompagné de l'aéroport jusqu'à mon bureau.

Cette équipe très incompétente est là pour vous assurer que, de toute façon, cela ne pourra pas être pire après. Vous trouverez donc l'accueil en Chancellerie très sympathique.

Elle jette un regard enjoué sur la goutte de sueur qui coulait du front du diplomate.

Visiblement c'est la lune montante...Puis-je vous offrir une Golòvinka ? On m'a dit que vous aviez quelques
problèmes de déclinaison ? Rassurez-vous, vous apprendrez bien vite
ici. Personne n'a jamais eu de problème de langue.

Elle se leva, et l'invita à s'installer dans les fauteuils. Dans la pièce, très sombre, seule la cheminée, où le feu crépitait, donnait un peu de lumière. Suffisamment toutefois pour ne pas rater une buste de la chancelière qui présentait à l'observateur une poitrine rebondie, que le sculpteur n'avait point trahie.

Si vous me parliez un peu de votre pays. Je serais curieuse de savoir
ce qui vous amène dans nos contrées à part un décolleté divin.

- J'accepte volontiers une Golòvinka. Quant aux éventuels problèmes de langue, je n'en ai jamais eu, votre employée s'est moqué de moi parce que ma langue a fourché sur une syllabe. Ce que je trouve très déconvenant. De plus, j'ajouterais, pour avoir déjà rencontré la Chancellière que je ne comprends pas que l'on ne puisse pas l'apprécier. Vous me permettrez donc de vous dire que cette employée lui fait plus honte qu'honneur. Vous devriez vous en débarasser.

Il la suivit jusqu'au fauteuil et s'installa dedans comme s'il était chez lui. D'ailleurs il ne cachait pas son air suffisant. Néanmoins la vue du buste attira forcément son attention. Ah qu'il avait apprécié cette poitrine ! La lune risquait de ne plus monter mais de décoller si ça continuait !

- Ah... Abalecon est sans cesse illuminé par ces deux soleils. C'est le pays le plus chanceux du micromonde. Ils m'ont personnellement manqué... les soleils...

Pierre resta un moment à lorgner les courbes de la sculpture. Cela lui rappelait d'excellents souvenirs. Il reprit, en tentant de garder contenance et de taire la voix qui le sommait de toucher :

- Il est vrai que ce décolleté pourrait attirer bien des hommes. Mais plus sérieusement son Impériale Majesté a accepté que je serve d'intermédiaire pour le fondement de relations entre nos deux nations. En effet, j'ai pensé à titre diplomatique d'Abalecon et le Ghawana pourrait avoir fort à gagner avec des échanges de procédés communs. L'Empire est riche en matières premières et je crois savoir qu'Abalecon a une grande avancée technologique. Avant toute chose, l'Empereur Zanta m'a donner un cadeau pour la Chancellière. Cadeau que mon escl... mon majordome personnel a conservé. Il faudrait que je puisse m'entretenir avec elle pour le lui donner. Mais nous avons le temps. Enfin pas trop quand même j'ai des env... requêtes à satisfaire.

Il épousseta machinalement ses épaules de la poussière inexistante.

- Quoiqu'il en soit, son Impériale Majesté n'a pas d'objectifs belliqueux ou flous vis à vis de votre peuple. C'est bien pour ça que je suis ici. Hum... ce buste... le sculpteur est toujours en vie ? Il l'a fait sur une pose réelle ou une photo ? Si c'est une pose réelle, il est à mon avis placé trop près...

A l'évocation de l'avancée technologique abaleconienne, la déléguée sourit. Elle songea au fait que les trois-quart des routes abaleconiennes n'étaient même pas goudronnées et qu'il faudrait encore au moins 20 ans avant que les différents réseaux de chemin de fer soient connectés entre eux..

Voilà qui est une bonne nouvelle. J'envisagerais, comme votre pays entre sous les conditions de l'article 2 du décret du 24 mai 2009 codifié à l'article L22-2 du Code Natàša, un traité de reconnaissance mutuelle, qui permettrait l'échange d'ambassadeurs et une coopération bilatérale, tout en conservant le régime des visas. Qu'en pensez-vous ?

- A la bonne heure ! Croyez moi que Son Impériale Majesté sera ravie de l'apprendre ! Et moi de même car il se peut qu'étant assez spécialiste dans le domaine "Straviskovien" que j'ai à avoir l'honneur et le privilège de servir d'ambassadeur ici, au nom de Son Impériale Majesté.

Pierre s'était rappelé les recommandations du Negus avant son départ. Iridjé Mobala lui avait vivement recommandé de ne pas ternir l'image de l'Empereur et de ne pas lui manquer de respect même en dehors de ses terres. Pierre avait son excitation tellement élevée, sans doute dû aux nombreux objets érotiques qu'il avait pu voir, qu'il en avait oubié cette recommandation.

- Nous conserverons donc les visas. Sachez que je suis en tout cas très fier que nos liens se resserrent. Son Impériale Majesté et le Negus seront, j'en suis certain ravi de l'apprendre ! Puis-je vous demander comment vous comptez procéder vis à vis d'un éventuel traité ? L'Empire du Ghawana a ses méthodes propres, et je me doute qu'Abalecon a les siennes. Chose que je tiens à respecter.

A moins que vous n'en ayez déjà un, je proposerai un projet de traité à la Köglöt après avis juridique de l'Orsàgközlöt. Enfin, le traité, une fois voté, sera promulgué par la Chancelière fédérale. Rien de très compliqué donc.

- Non en effet, c'est même étonnamment simple. Je peux vous aider à la rédaction si vous le souhaitez. Avant de procéder à tout cela, il me faudra bien entendu un exemplaire afin de satisfaire Son Impériale Majesté et bien sûr d'avoir son aval. Ce serait malvenu de le défier si un terme ne lui convenait pas et ce n'est ni dans vos intérêts ni dans les miens. Autant donc être prudents.

Il ne cacha pas un air exaspéré. L'Empereur était quelqu'un de particulièrement difficile. Souvent inexpressif et très susceptible. Un jeune loup, qui avait installé un régime autoritaire et qui craignait tout simplement de le perdre. Enfin, malgré cela Pierre avait bien des raisons de le soutenir. Il devait garantir ses arrières et les assurer. Donc peut importait qui était l'empereur, l'objectif était de l'avoir dans la poche ou à défaut de ne pas l'avoir sur le dos.

- Vous aviez parlé d'une Golòvinka... seriez-vous en rupture de sctock ?

Je vous présenterai en temps utile un projet de traité après délibération en conseil fédéral.

Appuie sur un petit bouton. Une porte s'ouvre. Une petite soubrette aux cheveux d'or arrive avec un plateau et deux verres. Elle sert aux protagonistes une golòvinka, c'est-à-dire une petite Golòvina à seulement 43°.

A votre santé !

- Décidément, vous avez dans vos bâtiments, de nombreuses surprises... Après les soleils et la lune, votre marjordome, Uranus... voilà la cowmate. Cela me rappelle les partie de poker et de billard dans des bars types grand saloon...

Il prit la golòvinka, trinqua avec son interlocutrice et lança un oeil lubrique sur la serveuse avec un petit sourire. Inutile de dire que s'il avait moyen, il ferait durer son séjour !

- Vous n'y mettez pas que de la bière là-dedans, ça c'est sûr !

L'alcool était plus fort qu'il ne s'y attendait pour une bière. Mais Marongie avait bien un atout autre que son physique pour lui, c'était le nombre de verres qu'il pouvait s'enquiller à la suite sans trébucher. Et des alcools plus forts que 43°.

- Combien de temps pensez-vous que cela prendra ? Je peux rester en attendant... Enfin, dans tous les cas, il me faudrait un endroit où dormir et poser mes bagages. Mon domes... pilote, se plaint de douleurs articulaires et réchigne un peu. Auriez-vous une idée ? Ah, j'aimerais aussi voir la Chancellière en personne. Comme je vous l'ai dit, l'Emp... son Impériale Majesté m'a donné des babio... des présent à lui remettre. Et ce sera l'occasion pour nous de nous revoir. Cela fait longtemps !

Je mets à votre disposition le palais Störnbörk, qui accueille les diplomates. En attendant je vais appeler la chancellerie fédérale afin d'organiser un rendez-vous avec la Sublime Poutre, nom donné au secrétariat de la Chancelière fédérale, en référence à l'antichambre du bureau de la Chancelière, où les invités s'occupent en attendant d'être reçu.

On amène un téléphone rose.

Permettez-moi de vous raccompagner. Je vous remercie de votre visite et ne manquerez pas de vous informer de la suite du processus.

- La Sublime Poutre dîtes-vous ? Ah que voulez-vous... je l'avais déjà fortement inspirée !

Pierre se leva et termina sa golòvinka. Il lança un dernier coup d'oeil au buste.

- Y'a-t-il possibilité de vous acheter ce buste ? J'y mettrais le prix, peu importe, même en nature. Ah, dans votre palais Störnbörk, vous avez des plantes comme votre serveuse ? Parce que si c'est le cas, je m'acquitterais de consommations sur place.